Comment survivre à la roulette russe ?

En ne jouant pas.

Désolé d’avoir donné la solution à cette passionnante énigme aussi tôt. Ne soyez pas déçus, dans ce cas le chemin sera vraiment plus important que le résultat.

Nassim Nicholas Taleb, dans le dernier chapitre de son livre Jouer sa peau, nous présente son expérience de pensée préférée : une variante de la roulette russe.

Pour rappel, la vraie roulette russe consiste à mettre une balle dans le barillet d’un revolver et à le faire tourner (le barillet, pas le revolver). Ainsi, personne ne sait où se trouve la balle, et le sombre jeu de probabilité commence. L’un après l’autre, chacun va mettre le canon sur sa tempe, fermer les yeux, puis appuyer sur la gâchette. Bien évidemment, il y aura un perdant…

Revenons à la variante imaginaire de Taleb : on ne fait qu’un seul essai et on gagne 1 million d’euros si on survit. S’il y a 6 chambres dans le barillet, il y aura 5 gagnants et un perdant. Les 5 gagnants repartent avec un million. Sont-ils contents ?

Faire la différence entre chance et compétence

S’ils étaient obligés de jouer à ce jeu morbide, ils seraient certainement contents d’avoir survécu (et d’être devenus relativement riche). Mais s’ils n’y étaient pas obligés, alors ceux qui repartiraient contents d’eux disparaîtraient d’ici peu. Pourquoi ?

Parce qu’ils vont rejouer. En se disant qu’ils sont spéciaux, qu’ils ont tout compris, ou qu’il y a une technique, etc. Bref, ils vont rationaliser leurs succès. Pire, ils vont même en parler à leurs amis, qui vont peut-être imiter ce comportement suicidaire. Sauf que concrètement, ils ont 1 chance sur 6 de disparaître, et même s’ils ont amassé 5 millions, le prochain essai pourra vite ramener ce chiffre à zéro.

Être frileux, ça permet de survivre dans le froid

Le plus intelligent à faire est de ne pas jouer à ce jeu, ou le cas échéant, de ne pas rejouer. Comment s’en apercevoir dans des situations moins évidentes (que la roulette russe), où les risques sont moins visibles ? En regardant si certaines personnes disparaissent du « jeu ».

Si des personnes sortent du jeu, c’est peut-être parce que ce dernier est dangereux, et qu’y jouer de nombreuses fois conduira inévitablement à la ruine. Mais on ne parle jamais des « perdants », on préfère ne pas les voir, pour pouvoir étudier les combines et les techniques de ceux qui « réussissent ». Il faut donc chercher les exclus et se demander : pourquoi ? Est-ce dû à leurs ressources limitées, leur comportement inadapté ? Ou le jeu est-il simplement dangereux pour tout le monde ?

Des jeux-dangereux-bien-qu’ils-n’en ont-pas-l’air, on en détecte quelques-uns à présent : manger bien régulièrement 3 repas par jours (super important le petit déjeuner sucré !), surtout suivre ses passions avant tout (Cal Newport en a montré les inhérentes faiblesses, on en reparlera), augmenter son confort matériel pour être en sécurité face aux aléas de la vie (éculé celui-là).

Un peu déprimant tout ça, qu’en pensez-vous ? Pourtant, ça peut être tellement stimulant ! Car arrêter de jouer à un jeu (un système) ne signifie pas forcément ne rien faire : il s’agit d’en inventer un autre. Il faut alors imaginer, tester à petite échelle, corriger. C’est long, et ça nécessite de l’intelligence. Mais le processus de découverte est grisant.

Et en attendant, même en situation d’incertitude, on peut au moins ralentir la cadence et ne pas pointer notre revolver vers les systèmes complexes qui existent depuis des centaines, voire des milliers d’années.

Les faiblesses d’un système sont plus importantes à connaître que ses points forts. Et l’intelligence collective passe surtout par la détection des faiblesses des systèmes humains.

Et regardons honnêtement autour de nous : quels systèmes s’effondrent ? Le barillet tourne…

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